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S.Pellegrino Young Chef Academy : interview croisée d'Anne-Sophie Pic et Alexandre Alves Pereira

Anne-Sophie Pic fait partie du cercle très restreint des sept femmes triplement étoilées dans le monde. Membre du jury du S.Pellegrino Young Chef Academy en France, elle sera surtout la mentor du candidat français Alexandre Alves Pereira lors de la grande finale mondiale, qui se tiendra en octobre prochain à Milan.

Fine Dining Lovers a eu envie d’échanger avec Anne-Sophie Pic et Alexandre Alves Pereira pour discuter du concours, mais aussi de leur vision de la gastronomie.

Quelle est l'importance des concours tels que le S. Pellegrino Young Chef Academy pour les jeunes chefs ?

Anne-Sophie Pic : Se lancer des défis et être en compétition avec les autres est quelque chose de très bénéfique pour soi-même. Cela permet de tester sa capacité à être en confrontation avec les autres, mais aussi à connaître ses forces et ses faiblesses. Ce concours, qui est international, permet également de se mettre en concurrence avec des univers et des cultures très différentes. Aujourd’hui, la cuisine est une culture à part entière !



Vous serez la mentor d'Alexandre Alves Pereira. Comment allez-vous le challenger ?

Anne-Sophie Pic : Cela fait plus d’un an que j’ai goûté son plat lors de la finale française alors j’ai dû repartir à zéro pour le guider. Le challenge est d’apprendre l’histoire de son plat, ce qu’il veut transmettre… Je veux voir s’il y a une force suffisante. Je travaille aussi beaucoup sur une forme de technique que j’appelle “l’imprégnation”, qui consiste à créer du lien entre tous les ingrédients du plat. Il faut une vraie cohérence. Son accord entre l’asperge et la sardine était génial, mais il m’a semblé qu’il y avait comme un détachement entre les deux produits pendant la dégustation. Le but est de recréer du lien pour que son histoire se tienne et ait du sens. Même si son plat est déjà super, il faut vraiment créer l’effet “waouh” car dans ce genre de concours, il ne faut pas faire les choses à moitié, il faudra se démarquer.

Quel est le meilleur conseil qu'Anne-Sophie Pic vous ait donné jusqu'à présent ?

Alexandre Alves Pereira : Pour le moment je dirais que c’est de rester concentrer sur les saveurs, que le goût prime sur tout le reste.

A votre avis, lequel des Seven Sages appréciera le plus le plat ? Et pourquoi ?

AS Pic  : C’est très difficile à dire car je ne les connais pas tous. Je pense que même si leurs univers sont tous très différents, un plat émotionnellement puissant peut plaire à tout le monde. Le but est de plaire au plus grand nombre sans avoir une cuisine consensuelle. Notre but sera que le plat d’Alexandre plaise à tous les univers.

A Alves Pereira : J'ai beaucoup de mal à désigner un chef en particulier, tout ce que je peux dire que c'est simplement apprécier le plat ne suffira pas à faire la différence lors de cette finale. Il va falloir susciter quelque chose en plus que les autres.



Selon vous, quel est le point fort du plat ?

AS Pic : Le visuel de son plat est très ludique, mais aussi maîtrisé et technique.

A Alves Pereira : Je pense que c'est un plat surprenant, on ne s'attend pas vraiment aux saveurs qui ressortent sur les différents éléments.

Parmi les autres jeunes chefs en lice, y'en a-t-il un/e qui vous impressionne particulièrement ?

AS Pic : Je n’ai pas du tout regardé ce que faisaient les autres. Nous regarderons ensemble quand nous serons prêts. La France est une grande nation gastronomique.

A Alves Pereira : J'ai vu que qu'avaient préparé les 11 autres finalistes, chaque plat a une identité qui lui est propre et revendique quelque chose de particulier. Le niveau du concours est élevé, tous les candidats ont des chances de l'emporter.

Selon vous, pourquoi aucun jeune chef français n'a gagné le SPYC jusqu'à présent ?

AS Pic : Je n’ai pas d’explication réelle mais du coup, c’est un vrai challenge pour nous cette année ! Le format du concours est très particulier car il n’y a pas de thème imposé donc les propositions sont toutes différentes, et peut-être que les Français n’ont pas su prendre leurs marques. Je dirais aussi que gagner un concours dépend de beaucoup de paramètres à l’instant-T. Il faut un alignement des planètes entre la qualité du plat, l’état d’esprit du chef mais aussi celui du jury ce jour-là. Ce n’est pas une histoire de nation mais d’entraînement et de psychologie du chef.

A Alves Pereira : La victoire finale se joue sur des  détails, c'est très difficile de se détacher quand tous les plats sont excellents. Le jury a peut-être ressenti une plus grande émotion, une affinité particulière avec les plats des vainqueurs et l'identité qui les accompagnait.

Anne-Sophie Pic nous a également parlé de son parcours hors du commun et de sa cuisine :

Vous souvenez-vous du moment où vous avez eu envie de devenir chef ? Quels ont été les obstacles à surmonter pour réaliser ce rêve ?

Anne-Sophie Pic : C’était au cours de mes études en école de commerce. J’ai fait deux stages dont un chez Moët & Chandon. La découverte du champagne m’a ouvert les yeux et m'a aidée à revenir en cuisine. J’ai décidé de rentrer à la maison et d’apprendre auprès de mon père en 1991. Il est décédé quelques mois plus tard, ça a été très soudain et très difficile…

Le fait d’être autodidacte a-t-il été une barrière pour vous ?

Cela peut paraître anodin aujourd’hui, mais à l’époque il y avait très peu d’autodidactes en cuisine. Un bel exemple pour moi a été celui de Michel Bras, qui a révolutionné la cuisine des légumes, qui a su mettre en place des choses qui n’existaient pas avant, alors qu’il s’est formé tout seul. La vie n’est pas un long fleuve tranquille mais les obstacles sont faits pour être surmontés.

Quel conseil vous donneriez-vous si vous pouviez vous rencontrer à l'époque où vous étiez jeune cheffe ?

Je me dirais de me faire plus confiance. Quand j’ai commencé j’étais autodidacte, “fille de”, j’avais une grosse pression sur les épaules et je me sentais tétanisée à l’idée d’agir car j’avais peur de mal faire. Mais j’ai très vite compris que si je ne traçais pas mon propre chemin, j’allais subir les choses. C’est très important de trouver son propre chemin !

Selon vous, qu'est-ce que le talent ? Et comment se manifeste-t-il en cuisine ?

Le talent est une forme de prise de risque. Il faut une certaine forme de sincérité, être jusqu’au-boutiste. Le talent se cultive ! Quand on est passionné, on peut développer plus ou moins de talent mais se remettre en question est la clé.

Comment le monde culinaire évolue selon vous ?

Même si la dynamique de la gastronomie est mondiale, elle est de plus en plus centrée sur le terroir et je trouve cela très bien. Je défends une ouverture d’esprit sur le monde mais avec une conscience de la nécessité d’être plus vertueux. Je pense aussi que la cuisine aujourd’hui est un monde de non-exclusion, où tout le monde converse, du chef au sommelier en passant par le serveur. A mes débuts, ces différents corps de métier étaient très clivés et maintenant, j’ai le sentiment que l’on travaille plus ensemble, ce qui apporte des connaissances différentes et complémentaires. Avec le contexte actuel, nous évoluons aussi vers de nouveaux métiers comme le click&collect dans lequel nous avons acquis de nouvelles connaissances et des techniques. Ça m'a plu et je pense garder un lien avec ce monde.

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